mercredi 19 janvier 2011

Le Tadjikistan, prochain front pour endiguer l'extension du chaos afghan?

  Vue de la frontière tadjiko-afghane
Crédits : www.flickriver.com

Bien que l'Asie Centrale soit quelque peu absente des médias en cette période de « tunisimania » et de sinophobie renouvelée, cela ne signifie pas pour autant qu'il ne s'y passe rien. Ainsi, le Tadjikistan, qui était encore il y a quelques mois la proie d'un regain d'activité de la part des combattants islamistes connaît aujourd'hui plusieurs changements qui pourraient avoir de profondes conséquences.

Le danger islamiste, éternel épouvantail

Bien que le gouvernement du président Rakhmon ait déclaré peu après l'embuscade de la vallée de Rasht que les éléments responsables de l'attaque avaient été neutralisés, il a néanmoins pris plusieurs mesures qui traduisent une crainte réelle et persistante des mouvements islamistes. Après la fin des opérations de ratissage dans la région de Rasht, les autorités ont en effet pris plusieurs mesures contre les islamistes, comme la fermeture de plusieurs mosquées opérant sans autorisation à Douchanbé, le rappel des jeunes étudiant dans des écoles coraniques à l'étranger, et la publication d'une liste de sermons autorisés pour accompagner la prière du vendredi. Parallèlement à ces mesures qui visent à limiter la propagation des idées jihadistes, on note quelques mesures moins orthodoxes comme le harcèlement par la police des hommes arborant une barbe un peu trop fournie, signe supposé d'adhésion à l'islamisme radical... On pourrait donc penser que le gouvernement a, une fois encore décidé, de traiter la sédition par la seule répression, si d'autres éléments ne venaient corroborer un possible changement de politique à Douchanbé.

Une inflexion bienvenue mais tardive

La situation interne du pays, sans être radicalement différente de celle des années précédentes, n'en est pas moins devenue extrêmement préoccupante pour le régime. Outre les habituels problèmes (chômage, déficit énergétique, état déplorable du système éducatif, etc...), le climat économique, social, sécuritaire et politique est en effet extrêmement propice à une déstabilisation croissante.

D'une part, la crise économique a entraîné l'adoption de mesures limitant les possibilités d'emploi pour les travailleurs migrants en Russie, ce qui devrait avoir de graves conséquences pour le Tadjikistan, extrêmement dépendant des transferts de fonds de la part des gastarbeiters installés dans l'ancienne métropole de l'Empire Soviétique. D'autre part les mouvements jihadistes à l'œuvre dans le Nord de l'Afghanistan étendent leur influence au Tadjikistan, qui constitue à la fois une cible facile et un objectif de choix par où transite la logistique de l'OTAN. La symbiose croissante entre insurgés afghans et le Mouvement Islamique d'Ouzbékistan est de ce point de vue particulièrement inquiétante.

Enfin, la propension de la population à se soulever pourrait être stimulée par deux évènements récents, à savoir l'exemple tunisien et la cession à la République Populaire de Chine d'une partie du territoire de la république, mesure extrêmement impopulaire dans le pays quelque soit la légitimité que l'on accorde aux revendications territoriales de Pékin. Face à ce faisceau de danger, sentant la fin proche, le pouvoir du président Rakhmon a choisi de lâcher du lest. Mais cela sera-t-il suffisant?

Une prise de conscience réelle?

Les autorités semblent cette fois prendre les troubles au sérieux et font désormais mine de prêter l'oreille aux demandes des citoyens. Elles ont ainsi procédé à l'arrestation de plusieurs juges et parlementaires accusés d'abus de pouvoir ou de corruption. L'État a également entamé la construction d'infrastructures de transport et de centrales électriques censées répondre au déficit énergétique et à l'enclavement de certaines régions. Enfin, soucieux de bénéficier lui aussi de l'envolée des cours des matières premières, le gouvernement tadjik a récemment annoncé un plan de modernisation de l'entreprise TALCO, leader national de la production d'aluminium.

Au niveau régional, l'Ouzbékistan voisin semble enfin prendre la mesure des conséquences de sa politique étrangère intransigeante sur la stabilité de son voisin tadjik. Alors que les conflits autour des ressources hydriques perdurent, Tachkent a consenti à assouplir les les conditions de remboursement et d'achat de gaz par le Tadjikistan. Il est vrai qu'avec le Kirghizistan toujours plus ou moins plongé dans l'anarchie, la dernière chose dont aurait besoin le régime d'Islam Karimov est une insurrection islamiste aguerrie par une décennie de combat en Afghanistan bénéficiant de sanctuaires à proximité des régions extrêmement volatiles de la vallée du Ferghana.

Enfin, la chance semble sourire au pays. En effet, il a récemment annoncé la découverte d'importants gisements de gaz et d'or dans le pays, qui pourraient à la fois résoudre partiellement la crise énergétique persistante et accroître sensiblement les revenus à l'exportation. Une telle découverte, qui semble tomber à point nommé, n'est pas sans rappeler celle, faite il y a quelques mois, de gisements de minerais d'une valeur estimée à un trillion de dollars dans le sous-sol afghan (il s'agissait en fait des trouvailles des géologues soviétiques remises sur le devant de la scène pour l'occasion).

Elements de la 201ème division de fusiliers motorisée des forces armées russes
stationnés au Tadjikistan pendant la guerre civile (1992 - 1997)
Crédits : RIA Novosti

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