lundi 11 octobre 2010

"Le Khan est mort, longue vie au Khan!". Le Kazakhstan prépare-t-il l'après-Nazarbayev?


Première puissance économique d'Asie Centrale, forte d'imposants stocks d'uranium, d'hydrocarbures et autres matières premières, la Kazakhstan apparaît habituellement comme le pays le plus stable de la région. En dépit de l'autoritarisme du président Nazarbayev, la Kazakhstan a même été amené à assurer la présidence de l'OSCE cette année. Cependant, le calme relatif des steppes kazakhes est depuis peu troublé par une cascade d'affaires de corruption qui ont déjà envoyé de nombreux hauts responsables derrière les barreaux.

Cet été, une loi proposée par le parlement mais qui n'avait pas été promulguée par le président octroyait à ce dernier le titre de "leader de la nation", ce qui lui aurait permis de conserver des prérogatives politiques même après son départ. Cette disposition semblait indiquer un retrait (au moins partiel) à venir de Nursultan Nazarbayev. Cependant, en septembre dernier, le président Nazarbayev a déclaré être candidat à sa propre succession, espérant ainsi mettre fin à ce qui semble être le début d'une lutte de succession au sommet de l'État. Cette suite d'affaires à répétitions commence à la fin du mois de février 2010, avec l'arrestation de l'ancien vice ministre de la défense, mis en cause pour des contrats douteux passés avec des compagnies d'armement israéliennes. A la mi-mars, c'est au tour de Mokhtar Djakishev, ancien dirigeant de Kazatomprom, d'être condamné pour avoir détourné pour 800.000 dollars de biens appartenant à la compagnie. D'aucuns y voient la conséquence de ses liens avec Mokhtar Ablyazov, oligarque tombé en disgrâce en 2002 et dont il avait obtenu la libération en 2003. Ce dernier, aujourd'hui réfugié à Londres, n'a pas tardé à être de nouveau inculpé, après avoir fondé un mouvement censé promouvoir la démocratie et la transparence au Kazakhstan. Rappelons que les premières accusations à l'encontre d'Abylaov ont été formulées après que ce dernier ait lui-même accusé Timur Koulibayev, beau fils du président Nazarbayev, d'avoir illégalement empoché 165 millions de dollars à l'occasion du rachat par une compagnie chinoise de parts dans une compagnie énergétique kazakhe. Mokhtar Djakishev, qui a mené la transformation de Kazatomprom en un acteur clé de la production d'uranium à l'échelle mondiale, paye aujourd'hui le fait de s'être porté caution de la « bonne conduite » de l'oligarque en exil lors de son élargissement en 2003.

Le mois d'août a été marqué par un rebondissement supplémentaire. Nabil Shayakhmetov, chef du Comité à la Sécurité Nationale (KNB) jusqu'alors considéré comme un proche du président Nazarbayev, a été remplacé par Nurtay Abikayev, membre de la « vieille garde » du président. Ce remplacement a eu lieu alors que circulent des rumeurs de coup d'État avorté. D'après ces rumeurs, certains fonctionnaires relevant du KNB auraient tenté, en faisant chanter le médecin personnel du Président, de neutraliser ce dernier afin de s'emparer du pouvoir. Officiellement, ces rumeurs sont sans fondements et les officiels en question ont été arrêtés pour divulgation d'informations confidentielles, mais certains affirment qu'ils n'ont fait qu'agir sur ordre de hauts fonctionnaires appartenant à un clan « sudiste » cherchant à s'emparer du pouvoir.

Début septembre, c'est au tour du ministre de la santé de tomber pour malversations. Cependant, les arrestations ne touchent pas que les plus hauts responsables, et il semble que de nombreux fonctionnaires de niveau médian fassent aussi les frais de cette hécatombe judiciaire.

Nursultan Nazarbayev semble donc décidé à rester au pouvoir « aussi longtemps que son pays aura besoin de lui ». A 70 ans, le président kazakh semble en effet jouir de toutes ses facultés et être en bonne santé, ce qui laisse penser qu'il peut encore se maintenir au pouvoir quelques années. Par ailleurs, le décollage économique du pays (bien qu'il profite essentiellement aux clans qui gravitent autour du pouvoir) et un culte de la personnalité de plus en plus marqué lui assurent une forte popularité auprès de ses concitoyens. Enfin, la peur de voir le pays déstabilisé à l'instar du Kirghizistan et du Tadjikistan peut également jouer en faveur du maintien de Nazarbayev au pouvoir pendant encore quelques temps. Cependant, même ce maintien du président à son poste pourrait ne pas suffire à étouffer la lutte des clans.

D'une part, le président n'a toujours pas désigné de successeur, ce qui appelle à la poursuite de la lutte d'influence entre clans. D'autre part, la « vieille garde » qui entoure le président... se fait vieille. Les décès sont devenus pour les plus anciens collaborateurs du président une probabilité qui n'est plus à négliger, comme l'indique la mort de Vladimir Ni, l'un des plus anciens compagnons de route de Nursultan Nazarbayev le 10 septembre dernier. La mort de responsables si hauts placés ne devrait pas manquer de susciter les convoitises de jeunes loups impatients de s'approprier les places laissées vacantes par leurs devanciers. Une lutte au sommet de l'Etat qui est considérée comme la seule menace pour la stabilité du pays à l'heure actuelle.

1 commentaire: