mercredi 4 août 2010

La Chine à l'assaut des fleuves du "Toit du Monde"


Alors que la Russie est la proie des flammes, l'Asie doit elle lutter contre les inondations. L'Afghanistan, Le Pakistan et la Chine sont en effet touchées, à des degrés divers, par des crues meurtrières résultant de précipitations exceptionnelles. En Chine, les pluies ont en effet été si importantes que les capacités de retenue des barrages sont déjà dépassées. Cela a obligé les autorités à ouvrir les vannes du barrage des Trois Gorges, construit (assez ironiquement) pour réguler le cours du Yangtzé et éviter les crues. Face à des évènements climatiques de plus en plus extrêmes et imprévisibles, le gouvernement chinois pourrait bien être encouragé à intensifier la construction de barrages.

La construction de barrages et de centrales hydroélectriques présente en effet de nombreux avantages pour la Chine. Permettant la régulation du cours des grands fleuves, elle permet en outre la production d'énergie, dont la croissance chinoise a tant besoin. Dores et déjà, la République Populaire s'est lancée dans de nombreux projets en la matière, ce qui n'est pas du goût de ses voisins lorsque les fleuves aménagés traversent plusieurs États. Les perturbations dans le cours du Mékong ont déjà provoqué la colère des États situés en aval et des populations vivant de la pêche ou de l'agriculture, qui doivent faire face à la réduction du débit et des quantités de poisson disponibles. Plus récemment, les ingénieurs chinois ont commencé à étudier la construction d'un barrage sur le cours supérieur du Brahmapoutre au Tibet, ce qui n'est pas sans causer de vives inquiétudes au Bangladesh et en Inde.

De l'or noir à l'or bleu: perspectives de développement de l'hydro-électricité en Asie Centrale

L'Asie Centrale était déjà connue comme une source d'énergie fossile convoitée par la Chine, mais l'attrait qu'exerce sur cette dernière le potentiel hydroélectrique de la région demeure moins connu. La République Populaire a en effet manifesté son intérêt à participer à plusieurs projets, de préférence là où les compagnies russes ne sont que peu ou pas présente afin d'éviter toute friction avec l'allié Moscovite.

Cet intérêt de la Chine pour l'hydroélectricité tombe à point pour les deux principaux exportateurs potentiels de la région, le Tadjikistan et le Kirghizistan, dont la situation n'est guère reluisante. Après la fin de l'URSS, les nouveaux États n'ont pu s'entendre sur de nouveaux mécanismes de gestion en commun des fleuves, d'où la persistance depuis 20 ans de tensions et de conflits. Les Républiques montagnardes (Tadjikistan et Kirghizistan) sont aujourd'hui confrontées, malgré leur potentiel hydroélectrique, à des pénuries de courant particulièrement redoutées en raison des hivers très rigoureux. La vétusté et l'insuffisance des lignes électriques entraînent d'importantes déperditions d'énergie pendant le transport. Leur tracé – conçu à l'époque de l'URSS- se traduit aujourd'hui par l'existence de plusieurs réseaux électriques cloisonnés et transfrontaliers sur le territoire d'un seul pays. De plus, le nombre de centrales effectivement construites est de loin inférieur à ce qu'il pourrait être, et celles-ci ont souffert du manque d'entretien pendant les vingt dernières années. Enfin, last but not least, les barrages construits à l'époque soviétique visaient moins à produire du courant qu'à garder l'eau des fleuves en hiver pour la relâcher pendant l'été, afin de permettre aux républiques situées en aval de cultiver du coton.

Vers l'intégration asiatique en matière d'énergie?

Afin de sortir du cercle vicieux et de devenir exportateurs nets de courant, Tadjikistan et Kirghizistan doivent moderniser et développer leur réseau de distribution et construire de nouvelles centrales. Or, cela exige des financements importants que la plupart des bailleurs de fonds internationaux n'ont jusqu'à présent pas consenti à débloquer, la plupart des projets de développement étant facteurs de tension avec l'Ouzbékistan qui craint pour son approvisionnement en eau. La Chine, pays voisin prêt à acheter l'énergie produite, disposant de capitaux importants et ne craignant visiblement pas d'investir dans ces projets, tombe donc à point nommé pour ces deux États.

Au Tadjikistan, les projets soutenus par la Chine se concentre sur la Zerafshan. La Banque Chinoise de Développement a consenti au gouvernement Tadjik un prêt visant à faire construire par la compagnie SinHydro  une centrale à Yavan. Parallèlement, la Chine s'est montrée intéressée par la construction d'une ligne haute tension Nord-Sud, unifiant le réseau électrique et permettant à terme l'exportation de courant vers  les pays d'Asie du Sud (Afghanistan, Pakistan et Iran). Enfin, la Chine pourrait également participer à la mise en place des centrales de Rogun I & II sur le Vakhsh, affluent de l'Amou-Darya, . Le Kirghizistan n'est pas en reste, et figurait même en tête des projets chinois avant les troubles de cette année. Le pays, dont seul 10% du potentiel hydroélectrique est exploité, offre en effet de réelles opportunités de développement. En échange d'investissements dans le domaine hydroélectrique (principalement la participation à la construction des centrales Kambarata I & II sur le Naryn, affluent du Syr-Darya) et de la construction de lignes électriques traversant la Chine et le Pakistan, le Kirghizistan s'est ainsi engagé à approvisionner le Sin Kiang en énergie. D'autres projets sont également à l'étude sur les cours d'eau descendant du Tian Shan vers la Chine, d'autant plus intéressants que les centrales seraient constructibles près de gisements de minerais, rendant leur exploitation d'autant moins onéreuse.

La Chine avance ses pions en Asie Centrale dans le domaine hydroénergétique comme dans d'autres secteurs, supplantant à ce niveau l'allié russe incapable de faire concurrence à Pékin dans le domaine économique. Le renforcement de la présence chinoise dans la région pourrait avoir des conséquences positives. En effet, dans l'hypothèse où Pékin achèterait au Tadjikistan et au Kirghizistan leurs excédents énergétiques pendant l'été, cela permettrait à ces deux pays d'assurer à l'Ouzbékistan un débit suffisant dans l'Amou-Darya et le Syr-Darya pour son agriculture. Cela pourrait réduire les tensions, alors que les devises payées par la Chine permettraient l'achat d'énergie pour faire face aux besoins pendant les mois d'hiver. Cependant, si la Chine devait préférer les achats en hiver, cela entraînerait de nouvelles tensions en Asie Centrale. Et la manière dont la République Populaire gère les fleuves internationaux qui traversent son territoire n'incite pas à penser que Pékin recherchera le consensus en la matière...

Carte du réseau énergétique en Asie Centrale.
Source: www.geni.org

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